Comment une citoyenne a découvert un nouveau ravageur des cultures
L’application INPN Espèces dépasse le million d’observations de la biodiversité partagées par les citoyens et les scientifiques. Elle a permis de lancer l’alerte sur un insecte ravageur venu d’Asie : l'aleurode épineux du citronnier.
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L’aleurode épineux du citronnier (Aleurocanthus spiniferus) est un petit insecte qui mange un grand nombre d’espèces végétales, dont des vergers et la vigne. Originaire du sud-est de l’Asie, il était inconnu en Europe jusqu’en 2008. Depuis juin 2023, il est présent en France métropolitaine, déclenchant une alerte de la Protection des végétaux d’Occitanie. Ce sont les citoyens qui ont permis de le repérer grâce à une application qui vient de passer le million de données recueillies en six ans.
Des dégâts sur une large gamme de végétaux
À l’âge adulte, l’aleurode du citronnier est un insecte de moins de 1,7 mm qui possède des ailes gris-bleu avec des points blancs. Les larves, quant à elles, sont regroupées en colonies immobiles sur la face inférieure des feuilles. De petite taille (de 0,3 mm à 0,8 mm), elles sont de couleur noire avec une marge blanche constituée de courts filaments de cire. Les deux formes se nourrissent de la sève des feuilles, affaiblissant la plante. De plus, les adultes et surtout les larves rejettent abondamment un liquide sucré et collant, le miellat, sur lequel se développent des champignons noirâtres qui empêchent la photosynthèse et la respiration de la plante.
Contrairement à ce qu’indique son nom, l’aleurode du citronnier ne se limite pas qu’aux agrumes et peut s’attaquer à une large gamme de végétaux. Parmi les cultures fruitières, on note le pommier, les poiriers, les kakis, les pruniers, les pêchers, les figuiers et la vigne. Il navigue aisément entre les territoires puisqu’il s’attaque aussi facilement aux plantes ornementales courantes comme le lierre, le magnolia, le saule gris ou le chèvrefeuille.
L’introduction de cet insecte est interdite en Europe depuis un règlement de 2016. La lutte est obligatoire en vue de son éradication, ou au moins de son enrayement depuis 2022. Il a été détecté en 2008 en Italie puis il a été repéré en Grèce, en Croatie, au Monténégro et en Albanie. En France, l’île de la Réunion était attaquée en 2013. Mais son observation sur le territoire hexagonal ne date que de 2023, dans le Gard et l’Hérault, dont l’agglomération de Montpellier.
Comment une citoyenne a-t-elle alerté sur l’aleurode ?
Tout commence à la mi-avril 2023 dans le jardin d’une chercheuse indépendante, Emilie Mendes, à Bernis, un village dans l’ouest du Gard. Elle observe un insecte inconnu. Elle le prend en photo. Elle partage les images sur une application spécifique, INPN Espèces, un portail de recensement de la biodiversité (INPN pour Inventaire national du patrimoine naturel). Un expert des hémiptères, lui aussi sur l’application, confirme alors le nom de l’espèce qu’avait suggéré l’autrice des photos. Un administrateur de l’application engage alors une enquête en vérifiant la localisation et la date des photos, et en sollicitant de nouvelles images. La procédure d’alerte du ministère de l’Agriculture est alors enclenchée, en passant par les canaux ad hoc de l’Inrae. En charge des organismes de quarantaine, l’Anses effectue les vérifications de laboratoire. L’alerte est rendue publique dans la Région Occitanie par le bulletin de santé du végétal du 21 juillet 2023.
Lombrics : la période d'observation démarre (13/01/2023)
À cette occasion, on se rend compte que d’autres citoyens avaient déjà observé ces insectes dans la même zone, avant même le signalement du 17 avril 2023. Mais ils ne s’étaient pas forcément rendu compte de la nouveauté de cette espèce. Ils n’avaient pas non plus connaissance de l’application INPN Espèces. Celle-ci a été créée en 2016 afin de permettre à chacun d’accéder à des données d’inventaire de la biodiversité. Elle est portée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité (OFB). Depuis 2018, les citoyens peuvent contribuer à cet inventaire de la nature. Six ans plus tard, l’application vient de dépasser le million d’observations.
Signalement par photo
L’application INPN Espèces est téléchargeable gratuitement sur les smartphones. Le signalement commence par une photo. Il faut que ce soit une espèce sauvage, que la photo soit nette avec les critères déterminants visibles. Il faut indiquer le lieu de la prise de vue, avec la fonction géolocalisation ou juste en donnant le nom de la commune, ainsi que le groupe simple de l’espèce (poisson, mammifère, insecte, plante…). On peut essayer d’aller plus loin dans la précision de l’espèce si on s’en sent capable. Depuis 2018, 28 000 observateurs ont partagé de telles données pour un total de 18 723 espèces différentes observées, selon les décomptes de l’OFB.
Les photos sont ensuite transmises aux 328 experts chargés de la validation des données. Ils s’en servent pour compléter les cartes de répartition des espèces. Régulièrement, l’application sollicite ce vivier d’observateurs pour partir à la quête d’une donnée écologique. Par exemple, depuis septembre 2023, ils sont invités à recenser cinq espèces de champignons lignicoles (qui poussent sur les troncs des arbres) pour affiner leurs cartes de répartition.
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